C’est la reine de l’Art Déco, période 1920-1930.  Avec d’autres, bien sûr, tels Chéreau, Le Corbusier, Jean Prouvé, Charlotte Perriand et tant d’autres.  Une Visionnaire dont les meubles, fauteuils avangardistes et tapis sont ré-éditées depuis les années 60′.

    Je partage avec vous cet article du FIGARO en attendant de courir voir l’expo dès mon arrivée!

  • Eileen Gray, une aventurière de la modernité

    Par Béatrice De Rochebouet, Sophie De Santis Publié le 26/02/2013 à

    La villa E 1027 d'Eileen Gray et Jean Badovici.
    La villa E 1027 d’Eileen Gray et Jean Badovici. Crédits photo : L’Architecture vivante, n° spécial, Paris, Éd. Albert Morancé automne-hiver 1929

    Elle fut peintre, décoratrice et architecte. Le Centre Pompidou rend enfin hommage à cette Irlandaise visionnaire aux multiples talents. Son inventivité a traversé le XXe siècle, de l’Art déco aux années 1970.

    Eileen Gray est l’une des créatrices les plus inventives de son époque. Et pourtant, Paris a attendu plus de trente-cinq ans après sa mort pour célébrer enfin dignement cette étonnante aristocrate Irlandaise voyageuse dans l’âme, esprit libre en quête de modernité. Seul le Victoria & Albert Museum de Londres avait rendu hommage aux talents multiples de cette figure audacieuse de l’Art déco en 1979, suivi par le MoMA de New York en 1980 puis le Design Museum en 2005. Est-ce l’emballement du marché de l’art ces dernières années qui a contribué à faire naître le mythe Eileen Gray? Depuis le 24 février 2009, date de l’adjudication à 21,9 millions d’euros pour son Fauteuil aux dragons provenant de la collection Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, elle est devenue la designer la plus chère en vente publique. Réalisée pour la modiste Suzanne Talbot, cette pièce historique, emportée par la galerie Vallois pour un client vraisemblablement américain, manque à l’appel de ce riche parcours se visitant comme une succession de chapitres de sa carrière. Un déroulé banalement chronolo­gique ayant le mérite d’être clair, mais qui reste très conventionnel au regard de ce personnage hors norme. Son ami le couturier Jacques Doucet, pour lequel elle conçut le fameux paravent en laque Le Destin (lui aussi absent de l’exposition) lui ouvrit les portes du cercle fermé parisien de la mode et de l’art.

     Table aux chars,  1915.
    Table aux chars, 1915. Crédits photo : Vallois-Paris-Arnaud Carpentier

    Grâce à de nombreux prêts de collectionneurs privés, la vie de cette avant-gardiste «qui a voulu s’extraire de la très victorienne sphère familiale, renoncer au mariage et partir vivre seule en France», explique la commissaire Cloé Pitiot, se déroule sous nos yeux. Elle commence avec la Table aux chars et le Paravent en briques, deux pièces iconiques de sa période du laque dont cette garçonne aux cheveux coupés courts, toujours habillée d’un costume d’homme, perfectionne la technique pendant vingt ans avec l’artisan japonais Seizo Sugawara. Ses années fastes de la période de l’Art déco, entre 1920 et 1930, l’ont portée aux nues, avant une longue traversée du désert et une réhabilitation tardive à la fin des années 1960, sous la plume de l’historien Joseph Rykwert, dans la revue ­Domus.

    La lumière de la Méditerranée

    Table ajustable.
    Table ajustable. Crédits photo : Centre Pompidou / Jean-Claude Planchet

    La partie la moins connue et la plus novatrice est celle consacrée à son talent d’architecte qui dessine du mobilier associant des matériaux inédits. Pour l’époque (1926-1929), sa Table ajustable en structure d’acier tubulaire est une petite révolution. Lorsque ­Eileen Gray rejoint l’Union des artistes modernes (UAM), elle a déjà 50 ans. Au Salon des artistes décorateurs de 1923, elle montre ses ­talents les plus aboutis dans la chambre à coucher boudoir Monte-Carlo, qui lui vaut des critiques dans la presse française mais des éloges à l’international.C’est à cette époque qu’elle rencontre l’architecte roumain Jean Badovici, un proche de Le Corbusier, peu fortuné, de quinze ans plus jeune qu’elle. À flanc de rocher de Roquebrune- Cap Martin, près de Monaco, ils conçoivent ensemble la villa E 1027, une anagramme de leur prénom: E pour Eileen, 10 pour le J de Jean, 10e lettre de l’alphabet, 2 pour Badovici et 7 pour le G de Gray. La réussite de cette première des trois villas de la Côte d’Azur: qu’elle s’intègre au paysage tout en faisant corps avec son mobilier. «Un modèle de modernité sensible dans lequel les meubles mêmes, perdant leur individualité propre, se fondent dans l’ensemble architectural», explique le duo Gray-Badovici.

    Le mobilier, acquis par le Centre Pompidou est particulièrement bien mis en valeur. La villa restaurée depuis sept ans, devrait ouvrir au public cet été. Dans les hauteurs de Menton, la villa Tempe a Pailla, achevée en 1935 avant d’être vendue au peintre Graham Sutherland, est un autre exemple de simplicité et de sophistication.

    Lou Pérou, à Saint-Tropez, sera sa dernière retraite. Jusqu’à l’âge de 98 ans, cette pionnière de la modernité n’a cessé de se renouveler et de créer du mobilier, comme ce paravent de quatre panneaux en liège de 1973 aux formes radicales. L’image est omniprésente dans son œuvre, pourtant elle n’apparaît qu’en filigrane. On aurait aimé se plonger dans quelques-unes des archives photographiques données par son exécuteur testamentaire au V&A. Elles auraient permis de mieux se glisser dans son univers intime. On y aurait découvert comment, à travers ses autoportraits, elle a rompu avec l’académisme. Eileen Gray trouve enfin sa place à côté de l’autre grande dame que fut Charlotte Perriand, célébrée sept ans plus tôt à Pompidou.


    Une Irlandaise à Paris

    Eileen Gray par Berenice Abbott, 1926.
    Eileen Gray par Berenice Abbott, 1926. Crédits photo : Berenice Abbott / Commerce Graphics

    Dès 1907, Eileen Gray s’installe au 21, rue Bonaparte. Elle y vivra jusqu’à sa mort en 1976. Cette adresse a été un lieu mythique pour toute l’intelligentsia parisienne. Toute jeune marchande Cheska Vallois, l’une des premières à l’avoir défendue sur le marché, a rencontré son idole, âgée alors de 90 ans, dans cet appartement, où la créatrice fabriquait ­elle-même ses laques dans l’humidité de la salle de bains.

    Le 17 mai 1922, Eileen inaugure sa boutique de décoration Jean Désert, au 217, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Elle y expose ses meubles en laque et en bois, ses tentures et divans, ses lampes et ses tapis aux motifs géométriques, et bientôt ses créations en métal. Le nom de cette enseigne que ­fréquente l’élite internationale et financière, fait référence au Jean Badovici, son ami et mentor et au désert que cette adepte du camping rêvait d’explorer. Seul un petit ­cercle de mécènes avant-gardistes, le riche entrepreneur Jean-Henri Labourdette, Elsa Schiaparelli, Charles et Marie-Laure de Noailles, étaient alors tentés par l’expérience d’une autre manière d’habiter, tout comme la chanteuse de music-hall Damia, avec ­laquelle elle partagea un moment de sa vie. Par l’entremise de Jacques Doucet, l’Irlandaise fut introduite dans le gotha parisien qui lui confie la décoration intérieure de nombreux appartements.

    Eileen Gray, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou (IVe). Tél.: 01 44 78 12 87. Horaires: tlj de 11 h à 21 h, sf le mar. Jusqu’au 20 mai. Cat.:Cloé Pitiot, Éd. Centre Pompidou, 39,90 €


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